Les termes « antibiotique » et « antimicrobien » sont parfois utilisés de façon interchangeable. Antimicrobien est un terme générique utilisé pour décrire des traitements capables de tuer des microorganismes ou d’empêcher leur croissance, notamment les bactéries, les virus, les champignons et les parasites. Les antibiotiques constituent un type spécifique d’antimicrobiens qui sont utilisés pour traiter les infections causées par les bactéries. La préoccupation qui est soulevée à l’échelle mondiale est celle de la résistance aux antimicrobiens (RUM) et l’utilisation vigilante des médicaments antimicrobiens.
Le problème, ce n’est pas les résidus
L’industrie doit demeurer vigilante afin qu’il n’y ait aucun résidu d’antibiotiques; cependant, ces résidus ne sont pas à la base des préoccupations actuelles entourant l’utilisation des antimicrobiens.
Les termes résidus d’antibiotiques font référence à la présence d’antibiotiques dans le produit de viande final. Or, l’Agence canadienne d’inspection des aliments effectue une surveillance des niveaux de résidus, et le poulet possède à cet égard une excellente feuille de route. C’est l’observation rigoureuse des périodes de sevrage par les producteurs de poulet qui permet de s’assurer que les résidus ne finissent pas par se retrouver dans la viande.
Le problème, c’est la résistance
La résistance aux antimicrobiens est un phénomène qui rend soudainement les médicaments antimicrobiens inefficaces contre un microbe en particulier parce que la composition biologique du microbe a changé et est devenue réfractaire au traitement. Ce phénomène peut se produire naturellement ou lorsqu’une infection est traitée avec un antimicrobien qui ne tue que quelques microbes1. Certaines bactéries sont résistantes naturellement, par exemple certains types de bactéries qui ne sont pas affectées par la pénicilline. D’autres bactéries développent une résistance résultant de mutations génétiques qui leur permettent de survivre à des pressions qui s’exercent sur leur environnement, par exemple la présence d’antibiotiques, ou après avoir reçu des gènes de résistance qui leur ont été transférés par d’autres bactéries.
Une résistance croisée peut aussi se produire en raison de similarités entre divers antimicrobiens. Par exemple, la tylosine et l’érythromycine sont deux antibiotiques différents utilisés chez les animaux (l’érythromycine est également utilisée chez les humains). Or, le développement d’une résistance à la tylosine par des bactéries qui y étaient auparavant sensibles peut également entraîner une résistance à l’érythromycine chez ces mêmes bactéries.
L’utilisation d’antimicrobiens est un important facteur dans le développement de la résistance aux antimicrobiens. Les bactéries s’adaptent et deviennent résistantes lorsqu’elles sont exposées aux antibiotiques utilisés chez les humains et en agriculture – ce qui explique la pression exercée pour réduire l’utilisation des antibiotiques.
La résistance aux antibiotiques – son développement et la manière dont elle se propage parmi les bactéries – est un processus complexe qui peut avoir d’importantes répercussions négatives sur la santé des humains et des animaux.
Le diagramme des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) [Centres pour le contrôle et la prévention des maladies] des États-Unis illustre comment la résistance peut se développer et se propager dans la communauté.
La résistance est une menace pour la santé du public et pour l’agriculture
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a déclaré que la résistance aux antimicrobiens est une menace sérieuse pour la santé publique dans le monde, qui compromet la prévention et le traitement efficaces d’infections dues à des bactéries et à d’autres microorganismes. Sans antimicrobiens efficaces, il ne sera plus possible de traiter les infections, et les maladies dureront plus longtemps et deviendront plus graves.
Or, cette menace est amplifiée par le fait que très peu de nouveaux antibiotiques ont été découverts au cours des dernières décennies – ce qui renforce la nécessité de préserver l’efficacité des antibiotiques actuels.
Ce risque pour la santé publique est bien documenté, tant au Canada qu’à l’international.
La menace pour l’agriculture est similaire, en ce sens qu’une hausse de la résistance empêchera l’utilisation d’antibiotiques pour le traitement des maladies et menacera ainsi le bien-être des animaux et l’approvisionnement alimentaire.
L’utilisation d’antibiotiques à la ferme contribue-t-elle à ce problème?
Toute utilisation d’antibiotiques peut avoir un impact sur le développement de la résistance et y contribuer, que cette utilisation se produise chez les humains ou en agriculture.
La preuve que l’utilisation d’antibiotiques chez les animaux destinés à l’alimentation peut causer des infections résistantes aux antibiotiques chez les humains existe depuis un certain temps et a été constatée dans des études observationnelles ainsi que lors d’essais cliniques à répartition aléatoire5. Lorsque des antibiotiques sont utilisés en agriculture, les bactéries peuvent développer une résistance. Comme l’illustre la figure, une manipulation et une cuisson inadéquates des produits de volaille peuvent produire chez les gens une maladie causée par des bactéries qui pourraient être présentes dans la viande de volaille (p. ex., la Salmonella). Si ces bactéries sont résistantes aux antibiotiques, il pourrait alors être beaucoup plus difficile de traiter la maladie en question. Il est également possible que des bactéries soient présentes dans les matières fécales des animaux, qu’elles entrent en contact avec l’environnement et propagent ainsi des gènes de résistance.
La recherche semble montrer que le risque pourrait être plus élevé chez les travailleurs et les familles sur les fermes que parmi le public en général, en raison de leur proximité avec les animaux vivants. En effet, la recherche indique que les travailleurs et les familles sur les fermes présentent davantage de profils de résistance aux antimicrobiens que la population générale6.
Bien que toute utilisation d’antibiotique puisse entraîner une résistance, il est également encourageant de savoir que les politiques d’utilisation vigilante peuvent avoir des impacts positifs sur les niveaux de résistance. Par exemple, les données de surveillance du Programme intégré canadien de surveillance de la résistance aux antimicrobiens (PICRA) ont montré des niveaux de résistance réduits parmi les différentes catégories d’antimicrobiens suite aux mesures de réduction de la RAM prises par les Producteurs de poulet du Canada7.
L’effort international visant à maintenir l’efficacité des antibiotiques
En 2015, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a lancé un Plan d’action mondial pour combattre la résistance aux antimicrobiens élaboré par l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Ce plan a mené à bon nombre d’initiatives visant à réduire l’utilisation à l’échelle mondiale8.
Par exemple, en avril 2016, les ministres de l’Agriculture du G7 ont publié une déclaration stipulant que tous les membres étaient encouragés à assurer une utilisation prudente des antibiotiques, à cesser progressivement le recours aux antibiotiques pour la stimulation de la croissance et à maintenir l’utilisation d’antibiotiques uniquement à des fins thérapeutiques. Cette annonce a été suivie en septembre 2016 de l’adoption par l’Assemblée générale des Nations Unies d’une déclaration politique visant à combattre la menace globale posée par la résistance aux antimicrobiens.
Aux É.-U., suite aux déclarations de plusieurs producteurs de volaille sur la réduction de la RAM, on assiste à un essor de la production selon le principe « plus jamais d’antibiotiques » au cours des dernières années. Le pourcentage de poulets élevés selon ce principe était le plus élevé en 2019, à 58 %, puis a légèrement baissé à 52 % en 20209. Certains des producteurs qui ont abandonné ce principe de production ont adopté le type de programme « uniquement aux ionophores », ce qui montre que l’engagement à réduire l’utilisation des antibiotiques est encore solide9.
Au Canada, en 2017, le gouvernement a publié le Cadre d’action pancanadien sur la RAM et l’UAM qui demande à tous les secteurs de passer à l’action dans ce domaine. Ce cadre d’action mise sur la surveillance, la prévention et le contrôle des infections, l’intendance, et la recherche et l’innovation; or, la Stratégie en matière d’utilisation responsable des antimicrobiens des PPC cadre avec ces objectifs.
Plus récemment, l’Union européenne (UE) s’apprête dès janvier 2022 à interdire l’utilisation de certains antimicrobiens dans toute production animale destinée à l’alimentation. L’attention est dirigée sur les antimicrobiens qui sont essentiels pour la médecine humaine. Cela pourrait avoir des répercussions très importantes pour le commerce et constituer une première pour l’UMA dans le monde.
Références :