Article reproduit avec l’autorisation de Poultry Health Today
Par Tom Tabler, Ph. D.
Professeur en vulgarisation
Service de vulgarisation de la Mississippi State University, département de sciences avicoles
État du Mississippi, Mississippi
La plupart des producteurs de volaille des États-Unis s’assurent que les éleveurs contractuels disposent d’un approvisionnement en eau d’abreuvement qui répond aux besoins des oiseaux. Généralement, ils exigent un débit d’eau minimum provenant d’un puits ou d’un réseau d’alimentation en eau communautaire. Or, peu de producteurs – si tant est qu’il y en a – ont des normes recommandées quant à la qualité de l’eau offerte à leurs troupeaux.
C’était le cas au début des années 1980 lorsque j’étais technicien dans une exploitation de poulet à griller du sud-ouest de l’Arkansas, et c’est encore vrai aujourd’hui. Même si l’eau est le nutriment le plus important pour les poulets, et même si les poulets consomment pratiquement deux fois plus d’eau que de moulée, c’est l’eau qui reçoit le moins d’attention. Tant qu’il y a assez d’eau lorsque les poulets veulent boire, on se soucie peu de la qualité.
Dans les années 1980, on me demandait souvent si les dépenses liées à l’installation d’un système de traitement de l’eau pour régler les problèmes de mauvaise qualité de l’eau rapporteraient en améliorant le rendement des oiseaux. À l’époque, la réponse était négative, à moins que l’eau soit absolument terrible. Aujourd’hui, cependant, la réponse pourrait être positive en raison de la tendance de l’élevage sans antibiotiques, qui a mené à l’abandon de la gentamicine dans les couvoirs, ainsi qu’à l’élimination des antibiotiques et de certains anticoccidiens dans la moulée du poulet à griller.
Je reçois tous les mois depuis des années des appels de gens qui me demandent si je peux venir voir une ferme ayant des problèmes de rendement et possiblement prélever un échantillon d’eau pour voir ce qui se passe. Or, le nombre d’appels a augmenté considérablement avec l’augmentation de la production sans antibiotiques. Je crois que les producteurs observent davantage de problèmes de santé dans les troupeaux élevés sans antibiotiques, car, par le passé, les antibiotiques masquaient ou compensaient divers problèmes liés à la qualité de l’eau. Avec la production sans antibiotiques, les entreprises et les éleveurs se rendent maintenant compte que la qualité de l’eau joue un rôle beaucoup plus grand que celui qu’on a voulu lui accorder autrefois.
Problèmes sous-jacents révélés
La production sans antibiotiques nous apprend qu’une toute petite dose d’antibiotiques au couvoir et dans la moulée dissimulait une pléthore de pratiques de gestion « peu glorieuses ». Et nous subissons maintenant les contrecoups de ces pratiques défaillantes. Les programmes d’élevage sans antibiotiques révèlent des problèmes sous-jacents qui étaient jadis soit ignorés, ou soit connus, mais considérés comme futiles. Grâce au petit coup de pouce des antibiotiques, certains problèmes bactériens devenaient essentiellement insignifiants – mais cette époque est révolue.
Une eau de bonne qualité est essentielle à une production de poulet à griller efficace. Il est important que chaque éleveur surveille la consommation d’eau quotidienne et s’assure qu’elle augmente au fil du temps. Si la consommation plafonne ou diminue à un certain moment durant la production, le problème doit être abordé immédiatement. En effet, la consommation d’eau des poulets ne diminue pas, à moins que quelque chose ne tourne pas rond. La santé du troupeau, l’environnement du poulailler, un changement de moulée, le programme de gestion – ou la qualité de l’eau peuvent être en cause.
Comment remarque-t-on un problème de qualité de l’eau dans un troupeau élevé sans antibiotiques?
L’eau pourrait avoir une charge microbienne élevée. Peut-être que le pH est trop élevé ou trop faible. Il y a peut-être une concentration excessive de minéraux. Peu importe le problème, il faut porter une plus grande attention à la qualité de l’eau dans un monde sans antibiotiques. À cet égard, le problème peut varier grandement selon l’aquifère duquel vous puisez votre eau. Par exemple, au Mississippi, j’ai vu des pH faibles (< 3), des pH élevés (> 8,5), des concentrations élevées en fer, en soufre, en magnésium, en sodium, en chlorure, etc. Tout dépend de votre approvisionnement en eau.
Les suppléments peuvent nuire à la qualité de l’eau
Pensez aux suppléments largement utilisés dans les troupeaux élevés sans antibiotiques afin de compenser l’élimination des antibiotiques. Il y a les probiotiques, les prébiotiques, les eubiotiques, les acides organiques, les huiles essentielles, les vitamines, les minéraux et les électrolytes. Bien que leur utilisation soit associée à quelques bienfaits pour la santé, ils présentent aussi quelques inconvénients. D’abord, ils peuvent servir de source d’énergie pour les bactéries, la moisissure, les champignons, la levure et les algues. En effet, pratiquement tout ce que nous mettons dans le système d’abreuvement pour améliorer la santé des oiseaux risque d’améliorer aussi la santé de toutes ces autres petites créatures. Et rapidement, nous nous retrouvons avec des nuisances qui prolifèrent dans nos lignes d’eau, pouvant ainsi nuire au troupeau et annuler tous les avantages que peuvent procurer les suppléments.
Si vous mettez des suppléments dans l’eau, vous devez vous doter d’un programme de nettoyage rigoureux des lignes d’eau (avec et sans oiseaux à la ferme). Autrement, peu importe le degré de propreté de votre source d’eau, vous favoriserez la prolifération dans vos lignes d’eau d’organismes nuisibles à vos poulets (biofilms, pathogènes, etc.).
Les probiotiques sont des microorganismes vivants. Bien qu’ils puissent procurer des bienfaits pour la santé, c’est comme si vous ajoutiez des bactéries à votre ligne d’eau. Il est vrai que ce sont de bonnes bactéries, mais elles peuvent tout de même obstruer votre système d’abreuvoirs.
Les prébiotiques sont des nutriments à base de glucides ou de végétaux utilisés pour favoriser la prolifération bactérienne dans l’intestin. Lorsqu’on les ajoute à l’eau, ils favorisent aussi la prolifération bactérienne dans votre ligne d’eau.
Il existe une variété d’huiles essentielles ou de combinaisons d’huiles essentielles utilisées par de nombreuses entreprises comme solution de rechange naturelle aux antibiotiques. Bien que leur efficacité varie d’un endroit à l’autre, une chose est sûre – ces huiles sont collantes et visqueuses, et si elles sont dispensées à travers le système d’abreuvement, il peut être extrêmement difficile de les éliminer des lignes d’eau.
L’une des manières de contrer la mauvaise qualité de l’eau est d’avoir un plan de nettoyage des lignes d’eau en deux parties. Voici mes recommandations :
L’eau de puits : loin d’être idéale
Outre les suppléments qui nuisent à la qualité de l’eau, tenez compte de la qualité de l’eau lorsqu’elle sort du puits. Selon mon expérience, l’eau que la plupart des troupeaux consomment est loin d’être idéale.
Prenez le pH, par exemple. Là où je travaille au Mississippi, le pH de l’eau est souvent inadéquat. Dans mes dossiers, j’ai des rapports de laboratoire concernant l’eau d’abreuvement pour la volaille dont le pH varie de 2,87 à 8,63. Or, la fenêtre acceptable pour la volaille est de 6,5 à 7,8. L’exposition à long terme à un pH inférieur à 5 peut entraîner la corrosion des composantes métalliques des abreuvoirs. Alors, imaginez les conséquences de cette eau sur la paroi intestinale des poulets et sa capacité à absorber les nutriments.
Inversement, un pH supérieur à 8 nuit à l’efficacité de la plupart des assainisseurs d’eau et, lorsqu’il est associé à une forte alcalinité, il peut donner un goût amer qui entraîne une réduction de la consommation d’eau. Or, une réduction de la consommation d’eau signifie une réduction de la consommation de moulée – et donc un mauvais rendement. Un pH trop faible ou trop élevé peut souvent être réglé grâce à un système d’injection adéquat. Le bicarbonate de soude ou le carbonate de sodium peuvent élever un pH faible. Pour leur part, le vinaigre de cidre de pommes, l’acide citrique ou l’acide chlorhydrique peuvent abaisser un pH élevé.
Des niveaux élevés de magnésium (> 125 ppm) peuvent entraîner des diarrhées en raison d’un effet laxatif, particulièrement lorsqu’ils sont combinés à des niveaux élevés de sulfates (> 200 ppm). Les sulfates peuvent également causer des diarrhées. Par ailleurs, des niveaux élevés de nitrate (>25 ppm) peuvent entraîner une piètre croissance et un faible indice de consommation, et peuvent également être un indicateur de bactéries fécales. Comme pour le pH, il est possible de remédier à la plupart des problèmes de niveaux élevés de minéraux. Cependant, il faut habituellement disposer du bon système de filtration, et il est impossible de savoir quel est ce système à moins de connaître d’abord ce qu’il y a dans l’eau.
Si vous remarquez une odeur d’œufs pourris dans votre eau, alors vous avez probablement des bactéries qui peuvent produire du sulfure d’hydrogène. Vous aurez peut-être non seulement à nettoyer le système d’abreuvement, mais aussi à envisager de donner un choc de chlore au puits, en plus de mettre en place un programme d’assainissement de l’eau quotidien.
En résumé, j’observe que l’intérêt envers la qualité de l’eau augmente en raison de la production sans antibiotiques. Avant l’avènement de ce type de production, nous avions tendance à ignorer la qualité tant que la quantité était adéquate. Toutefois, la qualité de l’eau est l’un de ces problèmes sous-jacents que nous ne pouvons plus négliger.
Les conséquences d’une mauvaise qualité d’eau sont simplement trop importantes pour pouvoir être ignorées. Si vous avez des problèmes de maladie, de passage de moulée non digérée dans les fientes, de gain de poids, d’indice de consommation, de planchers humides ou de rendement, analysez votre eau et prenez des actions correctives si nécessaire. De nos jours, les programmes de production sans antibiotiques ne pardonnent pas – et une eau d’abreuvement de mauvaise qualité est une erreur grave.
Note de la rédaction : Les opinions et les recommandations présentées dans cet article appartiennent à l’auteur et ne sont pas nécessairement celles de la rédaction de Poultry Health Today ou de Zoetis.