Le Canada est engagé depuis fin 2021 dans la négociation d’un traité de libre-échange avec les pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE). L’engagement du Canada dans la région de l’Asie-Pacifique, notamment avec (ANASE), témoigne d’une stratégie de diversification commerciale et d’une reconnaissance de l’importance croissante de cette région dans l’économie mondiale.
L’ANASE, fondée en 1967, est une organisation intergouvernementale composée de dix pays membres d’Asie du Sud-Est, à savoir Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Myanmar, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam. Cet ensemble hétérogène de nations abrite une population de plus de 650 millions d’habitants et un PIB combiné représentant près de 3 000 milliards de dollars, faisant de l’ANASE la troisième économie asiatique après la Chine et l’Inde. Cependant, la présence de la Thaïlande, notamment en tant que puissance majeure dans le secteur avicole, souligne l’importance de prendre en compte les intérêts économiques du Canada lors des négociations commerciales. La production et l’exportation de poulet constituent des piliers essentiels de son économie agricole. En 2023 seulement, la Thaïlande a exporté un volume de 14 millions de KG de poulet vers le Canada, témoignant ainsi de son influence sur le marché mondial de la volaille. Cette réalité met en lumière l’importance cruciale pour le secteur de la gestion de l’offre d’assurer une veille minutieuse des négociations qu’entame le Canada avec cette région du monde.
Bien que le gouvernement du Canada semble très actif quant à sa volonté de seller un accord avec l’ANASE, il n’en demeure pas moins que les discussions, bien qu’elles soient à un stade précoce, feront face à des difficultés considérables. Tout d’abord, les pays membres de l’ANASE ont des économies et des priorités politiques différentes, ce qui rend complexe la définition d’un accord commercial global qui soit mutuellement avantageux pour toutes les parties. Les divergences d’opinions sur les questions clés telles que les tarifs douaniers (certains pays de l’association sont définis comme étant des pays moins développés), les règles d’origine et les normes sanitaires et phytosanitaires compliquent déjà les discussions et entravent les progrès vers un accord finalisé.
De plus, la dynamique géopolitique en évolution rapide dans la région, notamment avec l’augmentation de l’influence à la fois de la Chine et de l’Inde dans la région et les tensions croissantes entre les grandes puissances régionales, nécessite une approche prudente et équilibrée de la part du Canada. La relation délicate avec la Chine et plus récemment l’Inde qui est à la fois un partenaire commercial clé et une source de préoccupations en matière de sécurité pour l’ANASE, soulève des questions sur la manière dont le Canada pourra naviguer entre la coopération économique et les préoccupations politiques.
Par ailleurs, la Thaïlande représente un double défi pour le Canada. Au-delà des préoccupations d’un futur accord avec l’ANASE, la Thaïlande a déjà exprimé son intention de rejoindre l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), ce qui suscite des inquiétudes quant à son impact potentiel sur le secteur avicole canadien. Alors que la Thaïlande cherche à renforcer ses liens économiques avec d’autres membres du PTPGP, cela pourrait entraîner une concurrence accrue pour le Canada, en particulier dans le secteur de la volaille dont plusieurs concessions ont déjà été accordées dans le cadre de l’Accord Canada, États-Unis, Mexique (ACEUM) et du PTPGP.
Si le Canada navigue en quête de diversification commerciale, celui-ci doit adopter une approche stratégique et proactive dans ses négociations avec l’ANASE en vue de protéger ses filières sensibles de la gestion de l’offre : Le Canada a déjà offert des concessions importantes dans les importations de produits sous gestion de l’offre notamment dans le cadre de de l’ACEUM et du PTPGP. Ces concessions créent de la distorsion dans ces secteurs et contribuent à petit feu à la fragilisation de ces filières sensibles et génératrices d’emploi et de développement économique au pays. Si le monde d’aujourd’hui fait clairement face à la fragilisation des chaînes d’approvisionnement et aux insécurités alimentaires, il serait donc bénéfique que le Canada continue de diversifier ses initiatives commerciales tout en défendant fermement ses secteurs sensibles dans le but de consolider la résilience de ses secteurs agricoles performants.