Dans un récent éditorial (Canada could lower grocery bills by scrapping supply management, June 25, 2024), les auteurs Jake Fuss et Alex Whalen de l’Institut Fraser déclarent que la destruction du système de gestion de l’offre qui existe depuis longtemps au Canada pourrait être un « moyen productif de réduire la facture d’épicerie ». Ce récit est à la fois exagérément simpliste et absolument faux.
Les auteurs omettent également de mentionner que les producteurs n’établissent pas les prix au détail et n’ont pas le contrôle sur le coût final des produits alimentaires pour les consommateurs.
Lorsque l’on examine les prix à la production, les produits dont l’offre est contingentée sont demeurés stables et, au Canada, généralement en accord avec l’évolution inflationniste ou sous celle-ci. Par exemple, les données de fin d’année pour 2023 indiquent une diminution de 6,1 % du prix à la production pour le poulet, une augmentation de 0 % du prix à la production pour les œufs et le prix à la production n’a augmenté que de 2,2 % pour le lait.
Lorsque Fuss et Whalen discutent du coût supplémentaire « estimé » des produits alimentaires, ils font référence à des données vieilles de presque une décennie. En fait, au cours de la période de 12 mois qui a pris fin en novembre 2023, les prix au détail moyens par kilo pour le yogourt, le fromage naturel et le beurre au Canada étaient inférieurs à ceux des États-Unis une fois convertis en dollars canadiens.
La gestion de l’offre a été intrinsèquement bonne pour ce pays au cours des cinquante dernières années. Dans le cadre de ce système, les producteurs produisent des aliments à un prix qui reflète leurs coûts de production tout en répondant à la demande canadienne. Les consommateurs ont également l’assurance que ces aliments sont produits selon les normes de haute qualité auxquelles ils s’attendent. Il s’agit de l’une des raisons pour lesquelles le Canada se classe au premier rang en matière de qualité et de salubrité des aliments selon le dernier indice mondial de la sécurité alimentaire.
Les auteurs suggèrent qu’un pays a aboli « avec succès » son système de gestion de l’offre, mais si nous observons l’expérience de l’Australie en la matière, même si les prix pour les consommateurs ont connu une brève baisse en 2001, les prix ont augmenté plus rapidement dans ce pays que pour les autres économies laitières dans la période entre 2002 et 2010. Il y a également eu une forte augmentation de l’instabilité des prix à la production et, plus récemment, les producteurs australiens ont subi une autre réduction du prix à la production, malgré une augmentation des prix au détail, certains producteurs se demandant s’ils peuvent rester en activité. En fait, le nombre de producteurs laitiers en Australie a diminué de 35 % au cours des dix dernières années, forçant le pays à dépendre davantage des importateurs étrangers de produits laitiers.
Dans d’autres marchés déréglementés, les consommateurs finissent par payer leurs produits laitiers deux fois – d’abord par le biais des impôts, puis dans les commerces de détail. Aux États-Unis, non seulement les produits laitiers sont-ils subventionnés par le gouvernement, mais les récentes données montrent que les prix du lait et des produits laitiers sont comparables à ceux du Canada.
Si la COVID-19 nous a appris quelque chose, c’est l’importance d’une production alimentaire locale et vigoureuse afin de garantir la sécurité alimentaire. D’en appeler à des changements aussi profonds pour notre système alimentaire sans donner à la population canadienne une compréhension complète des incidences négatives possibles de l’élimination de notre système éprouvé constitue un manque de vision. Pourquoi quelqu’un suggérerait-il que notre pays serait meilleur en compromettant sa souveraineté et sa sécurité alimentaires?
David Wiens, président, Les Producteurs Laitiers du Canada
Roger Pelissero, président, Les Producteurs d’œufs du Canada
Tim Klompmaker, président, Les Producteurs de poulet du Canada
Darren Ference, président, Les Éleveurs de dindon du Canada
Brian Bilkes, président, Les Producteurs d’œufs d’incubation du Canada